Les propriétés thermodynamiques et cinétiques du matériau à élaborer conditionnent pour une grande part la technique de cristallogenèse à employer : si le matériau ne présente pas de transition de phase ou s’il est stable jusqu’à sa fusion, il est généralement possible d’entreprendre la croissance cristalline directement à partir de l’état fondu ou de la phase vapeur ; dans le cas contraire, la cristallogenèse nécessite l’utilisation d’un solvant, ce qui constitue un degré de difficulté supplémentaire. Indépendamment de ces considérations, un matériau pourra nécessiter une croissance sous haute pression, sous vide, sous atmosphère contrôlée ou en ampoule scellée, ce qui rend les dispositifs encore plus lourds. D’un point de vue général, la cristallogenèse nécessite une étude préalable des conditions thermodynamiques de synthèse, à savoir composition chimique, température et pression, sur la base de banques de données et d’expériences spécifiques (THERMODATA Grenoble). La préparation des réactifs, qui est spécifique à chaque technique, est également une étape importante de l’élaboration. L’obtention de cristaux de grande dimension et de haute qualité nécessite des compétences en mécanique des fluides et en cinétique, de même qu’elle requiert la mesure de nombreux paramètres physico-chimiques comme la viscosité par exemple (ENSCPB MASTER Bordeaux, CRMC-N Marseille). L’obtention de grandes dimensions, millimétriques ou centimétriques, se justifient non seulement dans le cadre d’une problématique de transfert industriel, mais également pour la recherche de base car la mesure d’une propriété optique nécessite généralement des échantillons de plusieurs millimètres cubes. En effet, seule la forme monocristalline permet de caractériser les propriétés intrinsèques d’un matériau (et non biaisées par sa microstructure) ainsi que leur anisotropie (dans le cas des symétries non cubiques). Il est à noter que la communauté scientifique française délaisse la cristallogenèse de cristaux massifs de grande dimension, en raison notamment du coût très élevé de ces opérations et du manque de considération des instances d’évaluation pour ce type de recherche. Le risque est donc fort de voir certains métiers disparaître si des initiatives ne sont pas prises à temps.
Ci-dessous sont précisées les principales techniques de cristallogenèse utilisées actuellement pour les monocristaux massifs à propriétés optiques : il s’agit principalement de croissance à partir de la phase fondue ou en solution. La croissance est réalisée sur germes orientés. Les autres méthodes de croissance cristalline, comme la méthode en phase gazeuse par exemple, sont plus rarement utilisées dans le domaine des cristaux massifs pour l’optique. Il ne faut toutefois pas les négliger dans ce cadre, car dans certains cas elles peuvent constituer des alternatives intéressantes.
— Croissance à partir de la phase fondue
Czochralski
Cette technique haute température, jusqu’à 2000°C, est particulièrement bien adaptée à la croissance de composés semiconducteurs, oxydes ou fluorures synthétiques pour lesquels la phase fondue ne nécessite pas de creuset étanche. C’est la méthode employée industriellement pour le tirage du silicium, du germanium, et également pour certains oxydes ou fluorures synthétiques à propriétés optiques comme LiNbO3 ou les matrices lasers de YAG (Y3Al5O12), de « saphir » (Al2O3), de LiYF4 et de (Gd,Y)COB ((Gd,Y)Ca4O(BO4)3). Cette technique, dont la difficulté majeure est la maîtrise des hautes températures, permet d’obtenir de très gros volumes avec des vitesses de croissance élevées (LCMCP-ENSCP Paris, LPCML-ILM Lyon, CIMAP-MIL Caen, LMOPS Metz, ONERA Chatillon, ICMCB Bordeaux). Notons dans cette rubrique qu’une des actions récentes du réseau CMDO+ a été de récupérer trois des bâtis de cristallogenèse utilisés auparavant à l’Université du Mans pour la croissance de fluorures et qui était disponibles suite au départ en retraite du chercheur responsable de cette activité. Un des fours a été ainsi transféré à l’ENSCP à Paris, l’autre à l’ICMCB à Bordeaux et le troisième au CIMAP-MIL de Caen, ce dernier l’utilisant, entre autres, pour faire croître des cristaux de LiYF4 purs de grande dimension (diamètre 40mm) servant de substrats orientés pour le dépôt de couches minces par épitaxie en phase liquide (LPE). Le lecteur trouvera un exposé plus complet sur cette technique en cliquant ici.
Bridgman
Cette méthode repose également sur la technologie des hautes températures, avec des températures de travail comprises entre 300 et 1400°C. Elle est utilisée pour les composés dont la phase fondue est toxique ou très réactive vis-à-vis de l’air ou présente une pression de vapeur élevée : la croissance est alors réalisée en ampoule scellée, ce qui constitue une difficulté supplémentaire par rapport à la technique Czochralski. Elle est utilisée pour la croissance de certains semiconducteurs pour l’optique comme GaAs, AgGaS2, AgGaSe2, GaSe, Tl3AsSe3, ZnGeP2 ainsi que pour les fluorures, chlorures et bromures tels que CaF2, KPb2Cl5 ou CsCdBr3 (CIMAP-MIL Caen, ICMCB Bordeaux, ONERA Châtillon, GeMaC Meudon, CEA/CEREM Grenoble).
LHPG et micro-pulling down (fibres cristallines) La technique « Laser Heated pedestal Growth (LHPG) » comme la technique du « Micro-Pulling Down (µPD) » sont basées sur la méthode de la zone flottante et consiste à tirer des fibres monocristallines de quelques centaines de microns à quelques mm de diamètre. La première utilise des barreaux de poudres compactées et un chauffage laser sans creuset. La seconde consiste à tirer des fibres à travers une buse micrométrique pratiquée au fond d’un creuset de platine. Ces techniques permettent de fabriquer différents types de matériaux (Al2O3, LiNbO3, YAG, etc.) sous la forme de fibres pouvant être supérieures au mètre (LPCML-ILM et Fibercryst à Lyon, LMOPS à Metz). De plus amples détails peuvent être obtenus en cliquant ici.
La Croissance de monocristaux massifs en forme (EFG : Edge Defined Film Fed Growth)
— Croissance en solution
Croissance en solution au voisinage de la température ambiante et à pression atmosphérique
C’est la situation la plus favorable pour la cristallogenèse en solution. Elle est adaptée aux cristaux à basse température de fusion comme les composés organiques (POM, NPP), organo-minéraux (2A5NPDP), et certains sels minéraux comme KDP. Cette méthode permet l’obtention de gros volumes de matière avec des vitesses de croissance élevées. En France, cette technique n’est plus maîtrisée que par très peu d’équipes (Institut Néel Grenoble).
Croissance en solution à haute température et à pression atmosphérique (flux)
La méthode des flux s’apparente à la technique Czochralski, la différence essentielle tenant à la dissolution du composé dans un solvant. Les températures n’excèdent généralement pas 1400°C. C’est la méthode utilisée pour la fabrication des cristaux massifs d’oxydes, phosphates et borates synthétiques à fusion non congruente comme KTiOPO4, BaTiO3, LiB3O5, ou à fusion congruente comme BaB2O4 et YAl3(BO3)4. C’est aussi la méthode utilisée dans la technique d’épitaxie en phase liquide (LPE) pour la fabrication de couches minces d’oxydes ou de fluorures comme Y3Al5O12, Y2SiO5, CaF2 et LiYF4. La méthode des flux nécessite une connaissance extrêmement précise des diagrammes de phase afin d’éviter la cristallisation de phases parasites qui rendent sa mise en oeuvre plus délicate que la technique Czochralski. C’est peut-être ce qui explique que peu de laboratoires maîtrisent cette méthode (ICMCB Bordeaux, Institut Néel Grenoble, CIMAP-MIL Caen, LCMCP-ENSCP Paris). Notons qu’un transfert de compétences a eu lieu, depuis l’ICB Dijon vers l’Institut Néel Grenoble, permettant de regrouper sur un même site une partie du savoir-faire français en cristallogenèse en solution hautes et basses températures.
Croissance en gel
C’est une méthode qui permet également de travailler au voisinage de la température ambiante. Le solvant est un milieu gélifié dont l’avantage est l’obtention de cristaux de très bonne qualité du fait d’un régime de croissance purement diffusif. Cette technique peut être utilisée pour la croissance de composés organiques et organominéraux, mais également pour certains minéraux. L’inconvénient de cette méthode est qu’elle ne permet pas actuellement d’obtenir des cristaux de grande dimension car les réacteurs de croissance ont un volume limité à quelques dizaines de cm3, ce qui correspond au volume typique pour lequel un gel est homogène (IMCMP Paris). Cette technique est surtout employée pour les films minces ; son avenir pour les cristaux massifs dépendra de l’augmentation du volume réactionnel compatible avec une bonne homogénéité compositionnelle.
Croissance hydrothermale
La croissance hydrothermale est probablement la technique la plus délicate à mettre en oeuvre car il faut être capable de gérer non seulement des températures relativement hautes (plusieurs centaines de degrés Celsius), mais également des pressions élevées qui peuvent atteindre plusieurs centaines d’atmosphères. C’est la méthode de croissance du quartz et de ses isotypes (LPMC Montpellier, ICMCB Bordeaux).
— Perfection cristalline et dosage chimique
Caractérisation par rayons X et microscopie
Un premier type de caractérisation par rayons X consiste à mesurer et étudier le profil des raies de diffraction qui est sensible aux déformations et désorientations cristallines. Ces mesures sont réalisées sur des dispositifs classiques (Institut Néel Grenoble, IMCMP Paris). La topographie par rayons X constitue un deuxième type de caractérisation, plus sensible que le premier. Il s’agit d’une technique d’imagerie permettant de visualiser les mâcles, les domaines désorientés, les inclusions et les zones de croissance. Ces études peuvent être réalisées avec des générateurs classiques (IMCMP Paris) ou avec un rayonnement synchrotron (ESRF Grenoble, SOLEIL Gif-sur-Yvette). Les techniques de microscopie standard comme la microscopie électronique à balayage sont également utilisées. La prise en compte de toutes ces études est indispensable à la compréhension de certains mécanismes de croissance, ce qui permet entre autres d’ajuster les paramètres de la croissance cristalline en vue de l’amélioration de la qualité cristalline.
Analyse des éléments chimiques majeurs et mineurs
Il est nécessaire de doser les éléments actifs des cristaux lasers, les éléments piégeant les photoporteurs dans les cristaux photoréfractifs, de même qu’il est indispensable d’identifier et doser les impuretés responsables d’effets néfastes comme le parasitage de la fluorescence dans le cas des matériaux lasers, l’absorption résiduelle, l’inhomogénéité spatiale des indices de réfraction ou les dommages photochromiques et photoréfractifs. Ces dosages présentent également un grand intérêt en cristallogenèse pour laquelle il est nécessaire de connaître et de contrôler les coefficients de partage. Il faut faire appel à de nombreuses techniques comme par exemple la microsonde de Castaing (Service commun de l’Université de Nancy I, ICMCB Bordeaux), la spectrométrie de masse, la RPE (INSP Paris, LCMCP-ENSCP Paris), la spectroscopie capacitive (LPM Villeurbanne), la spectroscopie d’absorption, ou des méthodes de mesure des paramètres de transport et de photo-courant modulé (LGEP Orsay). Ces bancs de mesure existent dans de nombreux laboratoires.
— Propriétés optiques
La caractérisation des propriétés optiques cristallines requiert souvent la conception et la réalisation de méthodes et de techniques de mesure spécifiques. La difficulté de ces expériences tient à la complexité des phénomènes, en particulier à leur nature tensorielle, ainsi qu’au couplage “naturel” des différentes propriétés qui rend difficile la mesure d’une grandeur particulière.
Spectres de transmission, d’absorption et de fluorescence
La caractérisation de base d’un cristal consiste à réaliser des spectres de transmission et d’absorption linéaire en lumière polarisée dans différentes directions de propagation. Il faut pouvoir couvrir la gamme 0,2 à 20 microns, ce qui est réalisable avec plusieurs spectromètres qui sont commercialisés et qui existent dans plusieurs laboratoires (LCMCP-ENSCP Paris, CIMAP-MIL Caen, Institut Fresnel Marseille, IPCMS-GONLO Strasbourg). Il est également important de mesurer ces spectres en fonction de la température. Dans le domaine de transparence du cristal, il faut être capable de mesurer l’absorption résiduelle, qui est de l’ordre de 0,1 % cm-1 : ces mesures sont très délicates à réaliser et nécessitent des techniques pointues de laboratoire, comme la photo-déflexion (Spectroscopie en Lumière Polarisée-ESCPI Paris, Institut Fresnel Marseille), l’interférométrie (LHC Saint Etienne) ou la pyrospectrométrie (ICB Dijon). Pour les applications à haute intensité laser, il faut connaître les coefficients d’absorption non linéaires : ils sont mesurés par des méthodes de spectroscopie non linéaires nécessitant des sources laser impulsionnelles (CPMOH-LOMA Bordeaux, Institut Néel Grenoble, POMA-LPHIA Angers, IPCMS-GONLO Strasbourg, Institut Fresnel Marseille).
Pour les cristaux lasers, il est nécessaire de réaliser des mesures spectroscopiques statiques et dynamiques d’absorption et de fluorescence, qui permettent la détermination des sections efficaces et de la durée de vie de l’état excité ainsi que des niveaux d’impureté (CIMAP-MIL Caen, LCMCP-ENSCP Paris, LPCML-ILM Villeurbanne, Institut Néel Grenoble, LPL Villetaneuse). Pour les cristaux semi-conducteurs, en plus des mesures citées précédemment, il est nécessaire de caractériser les propriétés de transport et de dynamique électronique par des techniques de mélange d’ondes en régime impulsionnel femtoseconde (IPCMS-GONLO Strasbourg).
Indices de réfraction en fonction de la longueur d’onde, de la température et de l’intensité laser, homogénéité spatiale
La connaissance des indices de réfraction aux longueurs d’onde d’utilisation est indispensable quelle que soit l’application optique visée. Les indices de réfraction à température ambiante sont classiquement mesurés par la méthode du minimum de déviation ou en rétroréflexion sur prisme placé sur un goniomètre, ou en incidence rasante sur lame avec un réfractomètre. Les précisions accessibles sont de l’ordre de ±10-6 à ±10-5 entre 0,2 et 1,4 microns et de l’ordre de 10-4 à 10-3 entre 1,4 et 12 microns (IOTA Orsay) : ces précisions sont données pour des échantillons de plus de 10mm de côté. Les volumes de matière typiques des débuts de cristallogenèse ne permettent hélas pas d’atteindre ces dimensions, ce qui conduit en règle générale à des précisions de l’ordre de 10-3 : cette précision n’est pas suffisante pour certaines applications.
Les meilleures mesures de coefficients thermooptiques, dn/dT, sont réalisées par des méthodes interféro-dilatométriques, avec des précisions de l’ordre de ±10-6 (expérience de l’ICB Dijon transférée en 2011 à l’Institut de Chimie de Rennes, suite au départ à la retraite de J. Mangin). Ces données sont nécessaires pour les applications à haute énergie. Les applications à haute intensité nécessitent de connaître les indices de réfraction non linéaires qui peuvent être mesurés par déflexion de faisceaux ou par la méthode du Z-scan (POMA-LPHIA Angers, CPMOH-LOMA Bordeaux, CIMAP-MIL/LIOA, Institut Néel Grenoble, LOPMD Besançon, IPCMS-GONLO Strasbourg).
L’homogénéité spatiale des indices de réfraction doit être la meilleure possible pour toute application : elle est mesurée par des techniques d’interférométrie ou d’ombroscopie dont certaines sont commercialisées (CIMAP-MIL Caen, Institut Néel Grenoble, LMOPS Metz, LCFIO Palaiseau, LHC Saint-Etienne).
Figures de mérite
La mesure de la figure de mérite associée à la propriété physique sur laquelle est basée l’application visée nécessite des méthodes spécifiques mises au point en laboratoire. Pour les cristaux à propriété laser, les études spectroscopiques statiques et dynamiques ayant été réalisées en fonction des directions de propagation et de polarisation, la caractérisation in fine de l’émission laser repose sur la mesure du seuil d’oscillation et du rendement global du laser en fonction de différents paramètres de cavité et de pompage (CIMAP-MIL Caen, LCFIO Palaiseau, LCMCP-ENSCP Paris, LPCML-ILM Villeurbanne).
Pour les cristaux à propriétés optiques paramétriques, il faut connaître en premier lieu les propriétés d’accord de phase. La précision usuelle des mesures d’indice de réfraction ne permet pas un calcul précis des directions d’accord de phase. Il est alors nécessaire de mesurer directement ces propriétés par des méthodes spécifiques, comme la méthode de la sphère (Institut Néel Grenoble). La mesure du rendement de conversion de fréquence permet de déterminer le coefficient effectif associé à chaque direction d’accord de phase ainsi que les éléments indépendants des tenseurs de susceptibilité diélectrique quadratique et cubique (Institut Néel Grenoble, LPQM-ENS Cachan). La caractérisation des cristaux artificiels pour le quasi-accord de phase consiste à mesurer l’efficacité de conversion de fréquence avec des méthodes identiques à celles utilisées pour les cristaux en accord de phase.
La caractérisation d’un cristal pour la modulation électrooptique (effet Pockels) passe par la mesure des coefficients du tenseur électro-optique. Ces coefficients sont déterminés par la mesure de la rotation du plan de polarisation du laser en fonction du champ électrique appliqué (LMOPS Metz) ou par des mesures interféro-dilatométriques qui permettent de différencier les contributions piezoélectriques des contributions purement électrooptiques à la variation des indices de réfraction.
Pour caractériser un cristal photoréfractif, il est nécessaire de mesurer un grand nombre de paramètres tels que : les coefficients électrooptiques, les constantes diélectriques, la concentration des centres profonds ainsi que le temps de réponse de l’effet photoréfractif (LCFIO Palaiseau, IPCMS Strasbourg, THALES-TRT).
La caractérisation d’un cristal à propriétés acoustooptiques est assez lourde car elle nécessite la mesure des coefficients de plusieurs tenseurs, à savoir piezoélectrique ou magnétostrictif d’une part et photoélastique d’autre part, ainsi que la mesure de l’efficacité de diffraction acoustooptique. Il semble qu’aujourd’hui en France, les équipes spécialisées en acoustooptique s’intéressent exclusivement aux films minces (IEMN Lille, LOPMD Besançon).
La caractérisation de base d’un cristal à propriétés magnétooptiques utilisé comme rotateur de Faraday consiste à déterminer les coefficients du tenseur de Verdet en mesurant la rotation du plan de polarisation du laser en fonction du champ magnétique appliqué. Aujourd’hui, les effets magnétooptiques sont surtout étudiés dans les couches minces ou dans des puits quantiques placés dans des microcavités (LCFIO Palaiseau, IPCMS Strasbourg).
Dommage optique
Quelle que soit l’application visée, le rayonnement laser peut provoquer la création de centres colorés qui contribuent à augmenter l’absorption aux longueurs d’onde de travail. C’est le dommage photochromique : il est préjudiciable à l’efficacité de l’interaction considérée et peut même conduire à la destruction en volume du cristal. Il est important de déterminer les conditions, telles que les caractéristiques énergétiques et spatio-temporelles du laser ou encore la température du cristal, pour lesquelles ce phénomène n’apparaît pas. Ces tests reposent sur des mesures de transmission ou de la variation de l’efficacité de la propriété considérée (CEA-CESTA, Institut Fresnel et LP3 Marseille, Institut Néel Grenoble, LHC Saint Etienne). Il est également important de caractériser les conditions d’apparition du dommage photoréfractif, qui se traduit par la déformation des faisceaux pouvant conduire à l’altération des propriétés utiles ainsi qu’à la destruction du cristal par autofocalisation (LCF/IO Orsay, THALES-TRT, LMOPS Metz). Ces deux types de dommage sont liés à la présence de défauts et d’impuretés dans le cristal. Actuellement, ces études intéressent peu la communauté scientifique. Elles sont néanmoins très importantes et doivent être confrontées aux études de cristallogenèse dans l’objectif de minimiser les dommages optiques. Le laser Mégajoule, dont une problématique importante est la tenue au flux des optiques, est un partenaire potentiel qui devrait aider le réseau sur ce thème.
— Propriétés thermiques et mécaniques
Les caractérisations optiques sont loin d’être suffisantes pour qualifier et définir les conditions d’utilisation d’un cristal. En effet, l’histoire des matériaux pour l’optique montre que des problèmes liés à une trop forte réactivité chimique, à de mauvaises propriétés thermiques ou mécaniques pouvaient être totalement rédhibitoires pour l’utilisation d’un cristal, et ce malgré une figure de mérite très élevée. Par exemple, une absorption optique, même faible, conduit à des gradients thermiques au sein du cristal qui peuvent causer des déformations de volume et de surface se traduisant par des fractures. Pour caractériser ces phénomènes, il faut mesurer les coefficients des tenseurs élastiques, de dilatation thermique et de conductivité thermique grâce à des techniques mises au point en laboratoire (INSA Lyon). Ces aspects sont souvent négligés par la communauté scientifique des matériaux pour l’optique.
— Usinage orienté, polissage et contrôle de surface
Pour toutes les caractérisations décrites précédemment, les cristaux doivent être taillés en parallélépipède ou en prisme dans différentes directions cristallographiques, ce qui nécessite l’emploi de dispositifs d’usinage et de polissage associés à un diffractomètre à rayons X. Le contrôle des surfaces est réalisé par des appareils commercialisés : profilomètres, microscopes à force atomique et diffusomètres pour la rugosité, ainsi que les interféromètres pour le parallélisme. Quelques laboratoires se sont donnés les moyens de développer ces compétences (LCFIO Palaiseau, CIMAP-MIL Caen, Institut Néel Grenoble, ICMCB Bordeaux, SMA-VIRGO Lyon, LCMCP-ENSCP Paris, Institut Fresnel Marseille). Compte tenu de la lourdeur des tâches à effectuer, ces équipes ne peuvent se consacrer qu’ aux travaux de leur propre laboratoire. Les autres équipes doivent donc sous-traiter au privé, en France ou le plus souvent à l’étranger, à des coûts prohibitifs. Il paraît donc indispensable de renforcer ces compétences.
— Assemblage de monocristaux
L’assemblage de cristaux par une technique de « soudure » est utilisée depuis quelques années avec trois objectifs principaux : l’augmentation des dimensions des composants réalisables à l’aide des méthodes de croissance cristalline actuelles ; la réalisation de structures périodiquement alternées pour la conversion de fréquence en quasi-accord de phase ; l’obtention de configurations spécifiques de pompage grâce à l’emploi de zones non dopées pour une meilleure répartition du flux thermique ou un pompage total du laser dans le cas d’un milieu amplificateur à 3 niveaux. Quelques équipes travaillent ou sont concernées par ces aspects (THALES-TRT, LCFIO Palaiseau, LCMCP-ENSCP Paris, CIMAP-MIL Caen).
— Traitement des surfaces par couches minces optiques
Pour la plupart des applications, il est nécessaire de traiter les surfaces du cristal qui sont en contact avec le rayonnement laser, essentiellement pour diminuer les pertes par réflexion. Ces traitements antireflet sont réalisés par empilement de couches minces diélectriques déposées sur le cristal par des techniques d’évaporation. Ces techniques reposent sur des études en amont qui prennent en compte non seulement les propriétés optiques mais également la compatibilité physico-chimique et thermomécanique entre les couches et le substrat. Ce domaine est donc à la frontière entre la chimie du solide et l’optique. La réalisation des couches repose sur des technologies assez lourdes comme la pulvérisation cathodique, l’évaporation par canon à électrons et les techniques bénéficiant d’une assistance ionique (LCFIO Palaiseau, Institut Fresnel Marseille, INSP Paris, SMA-VIRGO Lyon, ICMCB Bordeaux, LMGP-ENSPG Grenoble). Le traitement des surfaces pose encore beaucoup de problèmes aujourd’hui, notamment vis-à-vis de la tenue au flux, qui doit être mesurée (Institut Fresnel et LP3 Marseille, CEA-CESTA, LOA Palaiseau). En grande majorité, les équipes qui ont besoin de faire traiter leurs cristaux s’adressent aux sociétés privées plutôt qu’aux laboratoires publics : en effet, ces laboratoires, malgré leurs compétences, n’ont pas vocation à faire du service. Le coût des traitements de surface est extrêmement onéreux. Ainsi, la remarque faite au sujet de l’usinage et du polissage s’applique également ici.
La plupart des dispositifs lasers sont construits à base de cristaux ayant les différentes propriétés évoquées ci-avant. Il paraît donc tout à fait logique d’inclure la réalisation de ces dispositifs dans le réseau, d’autant plus que c’est principalement le dispositif qui fixe le cahier des charges des différents composants. Cet aspect du réseau permet donc une interface entre la recherche amont et le transfert de technologie en matière de dispositifs, assurant ainsi une veille technologique efficace. Quelques laboratoires français possèdent des équipes concernées par ces aspects (LCFIO Palaiseau, CIMAP-MIL Caen, ONERA Palaiseau, LAC Orsay, ICB Dijon, IPR Rennes, MPQ Paris, LOPMD Besançon).