Méthodes de caractérisation des cristaux pour l’optique

Caractérisation de la perfection cristalline et analyse chimique de la composition


Caractérisation microstructurale par diffraction des rayons X et microscopie

Un premier type de caractérisation par rayons X consiste à mesurer et étudier le profil des raies de diffraction qui est sensible aux déformations et désorientations cristallines. Ces mesures sont réalisées sur des dispositifs classiques (Institut Néel Grenoble, IMCMP Paris). La topographie par rayons X constitue un deuxième type de caractérisation, plus sensible que le premier. Il s’agit d’une technique d’imagerie permettant de visualiser les mâcles, les domaines désorientés, les inclusions et les zones de croissance. Ces études peuvent être réalisées avec des générateurs classiques (IMCMP Paris) ou avec un rayonnement synchrotron (ESRF Grenoble, SOLEIL Gif-sur-Yvette). Les techniques de microscopie standard comme la microscopie électronique à balayage sont également utilisées. La prise en compte de toutes ces études est indispensable à la compréhension de certains mécanismes de croissance, ce qui permet entre autres d’ajuster les paramètres de la croissance cristalline en vue de l’amélioration de la qualité cristalline.

Analyse et dosage des éléments chimiques majeurs et des impuretés ou dopants

Il est nécessaire de doser les éléments actifs des cristaux lasers, les éléments piégeant les photoporteurs dans les cristaux photoréfractifs, de même qu’il est indispensable d’identifier et doser les impuretés responsables d’effets néfastes comme le parasitage de la fluorescence dans le cas des matériaux lasers, l’absorption résiduelle, l’inhomogénéité spatiale des indices de réfraction ou les dommages photochromiques et photoréfractifs. Ces dosages présentent également un grand intérêt en cristallogenèse pour laquelle il est nécessaire de connaître et de contrôler les coefficients de partage. Il faut faire appel à de nombreuses techniques comme par exemple la microsonde de Castaing (Service commun de l’Université de Nancy I, ICMCB Bordeaux), la spectrométrie de masse, la RPE (INSP Paris, LCMCP-ENSCP Paris), la spectroscopie capacitive (LPM Villeurbanne), la spectroscopie d’absorption, ou des méthodes de mesure des paramètres de transport et de photo-courant modulé (LGEP Orsay). Ces bancs de mesure existent dans de nombreux laboratoires.

Caractérisation optique et spectroscopique

La caractérisation des propriétés optiques cristallines requiert souvent la conception et la réalisation de méthodes et de techniques de mesure spécifiques. La difficulté de ces expériences tient à la complexité des phénomènes, en particulier à leur nature tensorielle, ainsi qu’au couplage “naturel” des différentes propriétés qui rend difficile la mesure d’une grandeur particulière.

Spectres de transmission, d’absorption et de fluorescence

La caractérisation de base d’un cristal consiste à réaliser des spectres de transmission et d’absorption linéaire en lumière polarisée dans différentes directions de propagation. Il faut pouvoir couvrir la gamme 0,2 à 20 microns, ce qui est réalisable avec plusieurs spectromètres qui sont commercialisés et qui existent dans plusieurs laboratoires (LCMCP-ENSCP Paris, CIMAP-MIL Caen, Institut Fresnel Marseille, IPCMS-GONLO Strasbourg). Il est également important de mesurer ces spectres en fonction de la température. Dans le domaine de transparence du cristal, il faut être capable de mesurer l’absorption résiduelle, qui est de l’ordre de 0,1 % cm-1 : ces mesures sont très délicates à réaliser et nécessitent des techniques pointues de laboratoire, comme la photo-déflexion (Spectroscopie en Lumière Polarisée-ESCPI Paris, Institut Fresnel Marseille), l’interférométrie (LHC Saint Etienne) ou la pyrospectrométrie (ICB Dijon). Pour les applications à haute intensité laser, il faut connaître les coefficients d’absorption non linéaires : ils sont mesurés par des méthodes de spectroscopie non linéaires nécessitant des sources laser impulsionnelles (CPMOH-LOMA Bordeaux, Institut Néel Grenoble, POMA-LPHIA Angers, IPCMS-GONLO Strasbourg, Institut Fresnel Marseille).

Pour les cristaux lasers, il est nécessaire de réaliser des mesures spectroscopiques statiques et dynamiques d’absorption et de fluorescence, qui permettent la détermination des sections efficaces et de la durée de vie de l’état excité ainsi que des niveaux d’impureté (CIMAP-MIL Caen, LCMCP-ENSCP Paris, LPCML-ILM Villeurbanne, Institut Néel Grenoble, LPL Villetaneuse). Pour les cristaux semi-conducteurs, en plus des mesures citées précédemment, il est nécessaire de caractériser les propriétés de transport et de dynamique électronique par des techniques de mélange d’ondes en régime impulsionnel femtoseconde (IPCMS-GONLO Strasbourg).

Indices de réfraction en fonction de la longueur d’onde, de la température et de l’intensité laser, homogénéité spatiale

La connaissance des indices de réfraction aux longueurs d’onde d’utilisation est indispensable quelle que soit l’application optique visée. Les indices de réfraction à température ambiante sont classiquement mesurés par la méthode du minimum de déviation ou en rétroréflexion sur prisme placé sur un goniomètre, ou en incidence rasante sur lame avec un réfractomètre. Les précisions accessibles sont de l’ordre de ±10-6 à ±10-5 entre 0,2 et 1,4 microns et de l’ordre de 10-4 à 10-3 entre 1,4 et 12 microns (IOTA Orsay) : ces précisions sont données pour des échantillons de plus de 10mm de côté. Les volumes de matière typiques des débuts de cristallogenèse ne permettent hélas pas d’atteindre ces dimensions, ce qui conduit en règle générale à des précisions de l’ordre de 10-3 : cette précision n’est pas suffisante pour certaines applications.
Les meilleures mesures de coefficients thermo-optiques, dn/dT, sont réalisées par des méthodes interféro-dilatométriques, avec des précisions de l’ordre de ±10-6 (expérience de l’ICB Dijon transférée en 2011 à l’Institut de Chimie de Rennes, suite au départ à la retraite de J. Mangin). Ces données sont nécessaires pour les applications à haute énergie. Les applications à haute intensité nécessitent de connaître les indices de réfraction non linéaires qui peuvent être mesurés par déflexion de faisceaux ou par la méthode du Z-scan (POMA-LPHIA Angers, CPMOH-LOMA Bordeaux, CIMAP-MIL/LIOA, Institut Néel Grenoble, LOPMD Besançon, IPCMS-GONLO Strasbourg).

L’homogénéité spatiale des indices de réfraction doit être la meilleure possible pour toute application : elle est mesurée par des techniques d’interférométrie ou d’ombroscopie dont certaines sont commercialisées (CIMAP-MIL Caen, Institut Néel Grenoble, LMOPS Metz, LCFIO Palaiseau, LHC Saint-Etienne).

Figures de mérite

La mesure de la figure de mérite associée à la propriété physique sur laquelle est basée l’application visée nécessite des méthodes spécifiques mises au point en laboratoire. Pour les cristaux à propriété laser, les études spectroscopiques statiques et dynamiques ayant été réalisées en fonction des directions de propagation et de polarisation, la caractérisation in fine de l’émission laser repose sur la mesure du seuil d’oscillation et du rendement global du laser en fonction de différents paramètres de cavité et de pompage (CIMAP-MIL Caen, LCFIO Palaiseau, LCMCP-ENSCP Paris, LPCML-ILM Villeurbanne).

Pour les cristaux à propriétés optiques paramétriques, il faut connaître en premier lieu les propriétés d’accord de phase. La précision usuelle des mesures d’indice de réfraction ne permet pas un calcul précis des directions d’accord de phase. Il est alors nécessaire de mesurer directement ces propriétés par des méthodes spécifiques, comme la méthode de la sphère (Institut Néel Grenoble). La mesure du rendement de conversion de fréquence permet de déterminer le coefficient effectif associé à chaque direction d’accord de phase ainsi que les éléments indépendants des tenseurs de susceptibilité diélectrique quadratique et cubique (Institut Néel Grenoble, LPQM-ENS Cachan). La caractérisation des cristaux artificiels pour le quasi-accord de phase consiste à mesurer l’efficacité de conversion de fréquence avec des méthodes identiques à celles utilisées pour les cristaux en accord de phase.

La caractérisation d’un cristal pour la modulation électrooptique (effet Pockels) passe par la mesure des coefficients du tenseur électro-optique. Ces coefficients sont déterminés par la mesure de la rotation du plan de polarisation du laser en fonction du champ électrique appliqué (LMOPS Metz) ou par des mesures interféro-dilatométriques qui permettent de différencier les contributions piezoélectriques des contributions purement électrooptiques à la variation des indices de réfraction.

Pour caractériser un cristal photoréfractif, il est nécessaire de mesurer un grand nombre de paramètres tels que : les coefficients électrooptiques, les constantes diélectriques, la concentration des centres profonds ainsi que le temps de réponse de l’effet photoréfractif (LCFIO Palaiseau, IPCMS Strasbourg, THALES-TRT).

La caractérisation d’un cristal à propriétés acoustooptiques est assez lourde car elle nécessite la mesure des coefficients de plusieurs tenseurs, à savoir piezoélectrique ou magnétostrictif d’une part et photoélastique d’autre part, ainsi que la mesure de l’efficacité de diffraction acoustooptique. Il semble qu’aujourd’hui en France, les équipes spécialisées en acoustooptique s’intéressent exclusivement aux films minces (IEMN Lille, LOPMD Besançon).

La caractérisation de base d’un cristal à propriétés magnétooptiques utilisé comme rotateur de Faraday consiste à déterminer les coefficients du tenseur de Verdet en mesurant la rotation du plan de polarisation du laser en fonction du champ magnétique appliqué. Aujourd’hui, les effets magnétooptiques sont surtout étudiés dans les couches minces ou dans des puits quantiques placés dans des microcavités (LCFIO Palaiseau, IPCMS Strasbourg).

Dommage optique

Quelle que soit l’application visée, le rayonnement laser peut provoquer la création de centres colorés qui contribuent à augmenter l’absorption aux longueurs d’onde de travail. C’est le dommage photochromique : il est préjudiciable à l’efficacité de l’interaction considérée et peut même conduire à la destruction en volume du cristal. Il est important de déterminer les conditions, telles que les caractéristiques énergétiques et spatio-temporelles du laser ou encore la température du cristal, pour lesquelles ce phénomène n’apparaît pas. Ces tests reposent sur des mesures de transmission ou de la variation de l’efficacité de la propriété considérée (CEA-CESTA, Institut Fresnel et LP3 Marseille, Institut Néel Grenoble, LHC Saint Etienne). Il est également important de caractériser les conditions d’apparition du dommage photoréfractif, qui se traduit par la déformation des faisceaux pouvant conduire à l’altération des propriétés utiles ainsi qu’à la destruction du cristal par autofocalisation (LCF/IO Orsay, THALES-TRT, LMOPS Metz). Ces deux types de dommage sont liés à la présence de défauts et d’impuretés dans le cristal. Actuellement, ces études intéressent peu la communauté scientifique. Elles sont néanmoins très importantes et doivent être confrontées aux études de cristallogenèse dans l’objectif de minimiser les dommages optiques. Le laser Mégajoule, dont une problématique importante est la tenue au flux des optiques, est un partenaire potentiel qui devrait aider le réseau sur ce thème.

Caractérisation des propriétés thermiques et mécaniques des cristaux

Les caractérisations optiques sont loin d’être suffisantes pour qualifier et définir les conditions d’utilisation d’un cristal. En effet, l’histoire des matériaux pour l’optique montre que des problèmes liés à une trop forte réactivité chimique, à de mauvaises propriétés thermiques ou mécaniques pouvaient être totalement rédhibitoires pour l’utilisation d’un cristal, et ce malgré une figure de mérite très élevée. Par exemple, une absorption optique, même faible, conduit à des gradients thermiques au sein du cristal qui peuvent causer des déformations de volume et de surface se traduisant par des fractures. Pour caractériser ces phénomènes, il faut mesurer les coefficients des tenseurs élastiques, de dilatation thermique et de conductivité thermique grâce à des techniques mises au point en laboratoire (INSA Lyon). Ces aspects sont souvent négligés par la communauté scientifique des matériaux pour l’optique.